Comment le confinement
a décimé nos vieux
(Texte mis à jour le 5/12/2020)
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Mise à jour du 12 décembre
Cette mise à jour rapide était nécessaire du fait que la Santé publique de France, dont j'ai utilisé les
données pour tous mes graphiques, a changé sa façon de compter le nombre de tests effectués, en comptant les tests
négatifs réalisés à plusieurs reprises sur une même personne... Cela pour éviter une surestimation du taux de
positivité des tests. Cette modification ne change rien aux courbes de la première vague de contamination, quand la pénurie de
tests interdisait de tester plusieurs fois la même personne, mais réduit considérablement les taux de positivité lors de la
deuxième vague, et plus encore pour les personnes âgées. La différence entre vieux et jeunes s'en trouve donc
réduite, mais il n'en reste pas moins que le taux de positivité chez les vieux augmente en période de confinement, jusqu'à
dépasser celui des jeunes. Mes conclusions restent donc tout à fait valables. J'ai profité de cette mise à jour pour
compléter les graphiques et faire quelques petites corrections, mais rien de fondamental.
J'ai écrit
la première version de ce texte le 30 avril, alors que la
première vague de l'épidémie commençait seulement à décroître et que nous étions en plein
confinement, le premier. Il était temps de le mettre à jour, en faisant quelques corrections et en tenant compte des nouvelles
données, mais les conclusions restent d'actualité et sont même largement confirmées.
Il m'a toujours paru évident que le confinement est non seulement inefficace et catastrophique aussi bien pour l'économie que pour la
santé physique et mentale de la population, mais qu'en plus de cela il surexpose les personnes âgées ou malades, toutes celles qui
sont particulièrement vulnérables à cette maladie, l'essentiel de celles qui en meurent ou qui doivent passer en
réanimation. Parce que ça n'est pas en obligeant ces personnes à être enfermées presque en permanence avec le reste de
leur famille, à des moments où une part non négligeable de la population est contaminée, qu'on va les protéger !
Et cela touche particulièrement les populations les plus pauvres, forcées de vivre à plusieurs générations dans un
même appartement. Le fait que les familles pauvres aient été particulièrement victimes du virus a été largement
constaté, mais on omet souvent de mentionner la responsabilité pourtant évidente du confinement dans l'affaire. Le second
confinement est un peu moins catastrophique de ce point de vue, puisque beaucoup de personnes vont travailler (sauf quand elles peuvent faire du
télétravail, qui est recommandé), et si les étudiants doivent rester chez eux les écoliers et lycéens vont en
cours (sauf quand ils ont des parents sensés qui n'acceptent pas qu'on traumatise leurs enfants en leur imposant le port de masque).
Et c'est d'autant plus inquiétant que les personnes âgées semblent beaucoup plus susceptibles d'être contaminées que
les jeunes, si on se fie aux données de l'épidémie qui s'est propagée sur le navire de croisière Diamond
Princess :
Tranche d'âge |
Total de contaminés (%) |
Total des personnes à bord |
00-09 |
1 (6%) |
16 |
10-19 |
5 (22%) |
23 |
20-29 |
28 (8%) |
347 |
30-39 |
34 (8%) |
428 |
40-49 |
27 (8%) |
334 |
50-59 |
59 (15%) |
398 |
60-69 |
177 (19%) |
923 |
70-79 |
234 (23%) |
1015 |
80-89 |
52 (24%) |
216 |
90-99 |
2 (18%) |
11 |
Total |
619 (17%) |
3711 |
Il y a eu 13 morts sur 712 contaminés (l'âge n'était connu que pour 619 contaminés et 12 morts), ce qui a
été largement à l'origine de la légende que le virus tuait 2% des personnes contaminées, alors qu'il s'agissait
plutôt des personnes âgées, naturellement très nombreuses sur un bateau de croisière (on voit que les
septuagénaires étaient les plus représentés)... Mais une autre donnée intéressante est qu'il y a eu un taux de
contamination bien plus important chez les personnes âgées : 21% des personnes de plus de 60 ans ont été
contaminées, contre 10% des personnes de moins de 60 ans.
Autrement dit, non seulement les personnes âgées meurent beaucoup plus du virus, mais en plus elles sont contaminées deux fois plus
facilement. La question est de savoir s'il ne s'agirait pas d'une spécificité propre aux passagers du Diamond Princess, mais je ne vois
vraiment pas pourquoi ça serait le cas. Je n'ai pas l'impression que les personnes âgées se protègent mieux que les autres,
tout au contraire : chez ceux qui ont connu la guerre, la vraie, celle qui a tué 1,3% de la population française, on a moins peur
d'un virus qui fait 0,3% de morts (même si dans leur cas c'est beaucoup plus) que chez les jeunes angoissés nourris au principe de
précaution !
Voyons ce que l'on peut déduire des données récentes... On parle beaucoup du taux d'incidence, censé représenter le
nombre de personnes contaminées à un moment donné, mais il n'est pas très fiable étant donné qu'il
dépend directement du nombre de tests réalisés. Je préfère m'intéresser au taux de positivité des tests
en fonction de l'âge. Bien sûr, ça ne reflétera pas non plus le taux de personnes contaminées, puisqu'on teste
préférentiellement ceux qu'on a des raisons de croire contaminés, mais la comparaison de ces taux entre diverses tranches
d'âge est un indicateur intéressant.
Le graphique ci-dessous indique le taux de positivité des tests chez les jeunes (entre 15 et 44 ans jusqu'au 17 mai où les
catégories d'âge ont été changées, entre 20 et 39 ans ensuite) et chez les vieux (au-dessus de 74 ans
jusqu'au 17 mai, au-dessus de 79 ans ensuite). La date indiquée est celle de la fin de la semaine de tests.
On voit clairement que les vieux sont beaucoup plus contaminés en période de confinement (surtout lors du premier, qui était
beaucoup plus strict et mieux respecté que le second) ou de grosses restrictions que pendant les périodes de
« relâchement », ici tout l'été et le début de l'automne. Notons que si la première vague
paraît beaucoup plus importante que la seconde, c'est parce qu'on ne testait alors pratiquement que les personnes ayant des symptômes de la
maladie, ce qui surestime largement les taux de positivité.
On peut aussi tracer la courbe du rapport entre le taux de positivité des vieux et des jeunes :
Je l'ai dit, le taux de positivité ne reflète pas forcément le taux de contamination, et cela peut varier en fonction de la
politique de tests et des demandes de la population. Il faut donc savoir par exemple si à certaines périodes on n'aurait pas voulu tester
particulièrement une catégorie particulière de la population. Pour cela, on peut comparer le taux de positivité avec le taux
de tests pour la tranche d'âge concernée (sur l'ensemble des tests, quelle est la proportion pour cette tranche d'âge).
Voyons par exemple ce qu'il en est des enfants (de 0 à 14 ans jusqu'au 17 mai, de 0 à 9 ans ensuite) :
Les lignes rouges correspondent au pourcentage de la population de la tranche d'âge considérée... La courbe orange suivrait donc ces
lignes si on testait les enfants autant que le reste de la population. On voit qu'on les a très peu testés jusqu'au déconfinement
du 11 mai, et ensuite le taux a peu varié sauf pendant deux courtes périodes où on les a particulièrement
testés : de la fin juin à la fin juillet, lorsqu'on parlait beaucoup d'une centaine de cas d'enfants victimes d'un syndrome assez
grave lié au coronavirus, apparenté au « syndrome de Kawasaki » (tous ces enfants ont dû faire un court
passage en réanimation mais n'ont gardé aucune séquelle, sauf un qui est malheureusement décédé), et à
la mi-septembre à la rentrée des classes. Ce que l'on remarque, c'est que dans les deux cas cette augmentation des tests s'est
accompagnée d'une diminution du taux de positivité, et c'est logique : on ne testait plus seulement ceux qui avaient des
symptômes.
Voyons maintenant ce qu'il en est des tests chez les personnes âgées, de plus de 74 ou 79 ans :
Il y a deux anomalies notables dans la courbe du taux de population âgée testée : une « bosse » entre la
mi-avril et la mi-mai, qui s'accompagne naturellement d'un creux pour le taux de positivité, due à une campagne de tests dans les maisons
de retraite à partir du 7 avril, et une augmentation graduelle des tests à partir du 25 octobre, au plus fort de la deuxième
vague, qui s'accompagne encore d'une baisse du taux de positivité.
On peut donc tenter de corriger ces courbes, pour les rendre plus régulières (corrections en vert et en rose) :
Voyons maintenant ce qu'il en est des tests chez les jeunes, entre 14 et 45 ans ou entre 19 et 40 ans :
On les a testés toujours à peu près autant et le taux de positivité augmente naturellement pendant les deux vagues
épidémiques, et déjà à partir du mois de juillet puisqu'on a vu que l'épidémie s'était beaucoup
répandue en période de vacances d'été dans le population jeune sans faire beaucoup de morts ni de réanimations. On
note une petite baisse du taux de la population testée entre le 12 avril et le 10 mai, ce qui est juste la conséquence de
l'augmentation des tests chez les personnes âgées à la même période, et à partir du 1 novembre une baisse
qui est aussi une conséquence de la hausse de tests des personnes âgées. On remarque aussi une petite augmentation de la proportion
de jeunes testés entre le 12 juillet et le 6 septembre, qui s'accompagne cette fois d'une augmentation du taux de positivité... C'est que
dans ce cas le taux de positivité a augmenté parce qu'il y avait réellement plus de jeunes qui étaient contaminés
pendant cette période estivale, et c'est parce qu'il y en en avait donc plus qui avaient des symptômes qu'on les a plus testés.
On peut maintenant retracer le graphique des taux de positivité chez les jeunes et les vieux (corrections en bleu) :
Et la courbe du ratio entre le taux de positivité des vieux et des jeunes (correction en orange) :
On voit que ces courbes paraissent beaucoup plus naturelles. Le ratio commence à augmenter le 5 avril (dans la semaine se finissant le
5 avril), ce qui est assez en accord avec le début du confinement le 16 mars compte tenu du délai entre la contamination et le
test (ce délai moyen sera plus important lorsque l'épidémie décroît que quand elle croît : si par exemple
le test décèle une personne qui a été contaminée une ou deux semaines avant, il y en aura beaucoup plus deux semaines
avant qu'une lorsque l'épidémie décroît, et inversement). Et il décroît ensuite à partir de la semaine du
24 mai, soit peu après le déconfinement. Ensuite il diminue graduellement jusqu'à la semaine du 23 août,
correspondant à la période où les jeunes étaient en vacances et se contaminaient gaiement. Puis il croît jusqu'au
13 septembre, où il atteint un plateau jusqu'au 4 octobre, et recommence à croître continûment... Donc bien avant le
deuxième confinement, mais ce dernier a été précédé tout le mois d'octobre par une forte incitation à
arrêter les fêtes et rassemblements. Rappelons-nous la tribune du
Journal du dimanche du 13 septembre où un collectif de
médecins incitait à siffler la « fin de la récréation ».
Tout indique donc bien que les personnes âgées ont été beaucoup plus exposées au virus que les jeunes, surtout du fait
du confinement. Tout, sauf le taux de séroprévalence trouvé par
une
enquête de l'Inserm, où les personnes âgées de plus de 65 ans sont trois fois moins nombreuses que la moyenne de la
population à avoir des anticorps. Mais c'est juste une nouvelle preuve que l'absence d'anticorps ne signifie pas qu'on n'a pas été
exposé au virus ni qu'on n'est pas immunisé. J'ai
déjà parlé
des doutes que l'on pouvait avoir avec cette étude de l'Inserm où les prélèvements sanguins ont été
effectués deux mois après le pic de l'épidémie... En fait, on sait que la présence d'anticorps diminue rapidement
quelques semaines après l'infection, et cela d'autant plus chez les personnes âgées. Du reste, une autre étude de
séroprévalence réalisée en Espagne ne trouve pas cette forte sous-représentation des personnes âgées, et
trouve même un taux un peu supérieur à la moyenne.
Et il y a une façon simple d'en avoir le coeur net... S'il y a une augmentation du taux de contaminés chez les personnes
âgées pendant les périodes de confinement, cela doit se répercuter sur le nombre de morts, puisque les plus de 79 ans
représentent 6,3% de la population, et plus de 60% des morts du Covid.
J'emprunte le graphique suivant à
l'excellent site d'Odile Fillod,
sur lequel on trouve beaucoup d'informations sur l'évolution de l'épidémie :
On voit que tous les indicateurs chutent rapidement après un pic au tout début novembre, sauf les courbes des décès (en rose
pour les décès à l'hôpital, en rouge pour l'ensemble des décès hôpital + ehpad) qui diminuent
beaucoup moins vite... Et c'était la même chose lors du premier pic épidémique en mars-avril.
On le voit encore mieux sur les courbes du R effectif (taux de reproduction du virus) estimé selon les différentes données,
puisque ce taux de reproduction n'est pas autre chose que la pente de toutes ces courbes : grand lorsque la courbe augmente beaucoup, égal
à un lors d'un pic ou un creux, et inférieur à un lorsque la courbe est descendante :
On voit que toutes les courbes d'estimation du R effectif sont à peu près similaires, à un décalage temporel
près, sauf à partir du mois d'octobre où le taux de reproduction estimé d'après les décès (en rouge vif
pour les décès hospitaliers, rouge sombre pour l'ensemble) est nettement supérieur aux autres. Ça correspond
précisément à l'augmentation du taux de positivité des vieux par rapport aux jeunes.
Bref, tout indique qu'en raison principalement des confinements les personnes âgées ont été nettement plus exposées au
virus que les jeunes, et cela s'applique sûrement aussi aux autres personnes fragiles, celles qui ne sont pas spécialement
âgées mais souffrent de maladies qui les rendent particulièrement vulnérables au covid-19 (maladies cardiaques, insuffisance
rénale, cancer, diabète, obésité...)
Donc, si on résume, dans la stratégie de l'immunité de groupe on essaie de protéger au maximum les personnes les plus
vulnérables, aussi bien pour limiter le nombre de morts que la saturation des services de réanimation, et on laisse
l'épidémie se développer dans le reste de la population jusqu'à ce qu'elle atteigne le seuil d'immunité de groupe et
que le virus disparaisse faute de nouvelles personnes à contaminer.
Et avec la stratégie adoptée par le gouvernement (et la plupart des autres, poussés par une O.M.S. très
inspirée !), c'est exactement l'inverse : ce sont les personnes les plus vulnérables qui sont le plus contaminées
jusqu'à atteindre l'immunité de groupe, alors que celles qui ne risquent pas grand-chose auront été plutôt
protégées par les mesures de distanciation sociale et plus encore par le confinement !
J'écrivais dans la première version de cet article, pendant le premier confinement :
Donc, si j'ai raison, le nombre de personnes âgées ou malades contaminées va fortement diminuer au cours du temps, si bien qu'il
n'y a guère de craintes de surcharger les services de réanimation même si on relâchait complètement les mesures tout
de suite... D'autant plus que cela aurait pour effet de protéger, enfin, les vieux qui ne sont pas encore immunisés ou morts : avec
leurs enfants au travail et leurs petits-enfants à l'école, ils seraient bien moins exposés qu'en restant confinés avec
eux toute la journée, je ne comprends pas que ça n'apparaisse pas évident à tout le monde !
On a malheureusement continué dans cette voie, et même si c'est de manière plus limitée les résultats de cette
politique imbécile sont bien visibles...
Voyons maintenant ce qui s'est passé dans le cas particulier des maisons de retraite. Elles accueillent 730 000 pensionnaires, dont
l'âge moyen est de 85 ans, et dont l'espérance de vie moyenne ne dépasse pas deux ans du fait qu'elles souffrent souvent de
maladies très invalidantes... Un concentré donc des personnes qui risquent le plus de décéder du Covid, et de fait dans les
établissements qui ont été le plus touchés le taux de mortalité par le Covid a dépassé 20%. Alors, pour
tenter de protéger ces personnes pendant la première vague, on n'a rien trouvé de mieux que les enfermer dans leur chambre, en les
privant pendant deux mois de toute sortie et de tout contact direct avec leur famille ! Beaucoup sont mortes dans ces circonstances
désespérantes, si bien qu'on peut se demander s'il n'aurait pas été plus humain de les laisser se contaminer, même
s'il y aurait eu encore beaucoup plus de morts... Ça résume d'ailleurs toute l'inanité des mesures contre le Covid, qui
détruisent tous les plaisirs de la vie de tout le monde sous prétexte d'essayer (sans trop de succès) d'éviter quelques
dizaines de milliers de morts. On n'avait en tout cas guère d'autre choix que les isoler ou les laisser se contaminer, alors qu'on manquait de
tests. La situation a maintenant changé, puisqu'on dispose maintenant de tests rapides et peu contraignants, notamment avec l'arrivée des
tests salivaires. Il suffira donc de tester régulièrement le personnel et les visiteurs pour éviter qu'un grand nombre de
résidents des maisons de retraite ne soient contaminés. Jusqu'à quand ? Jusqu'à ce qu'on puisse les vacciner, et dans
leur cas le rapport bénéfice/risques penche nettement en faveur du vaccin, ou jusqu'à ce que l'épidémie soit
terminée dans le reste de la population, ce qui ne serait pas trop long si on arrêtait de s'échiner à la faire traîner
en durée !
Robert Alessandri