r l'éliminer



Les associations au service
des brigades sanitaires

Mise à jour le 21 mai 2020



Vous pouvez traduire ce texte dans la langue de votre choix :


Dès le 11 mai, les « brigades sanitaires » vont commencer leur travail : retracer autant que possible le chemin de l'infection d'un individu porteur du virus, en trouvant les personnes qu'il aura pu contaminer avant d'être mis en quarantaine (soit confiné avec sa famille pendant deux semaines, soit isolé dans un lieu mis à sa disposition). Ce sont trois à quatre mille personnes appartenant pour la plupart au personnel de l'Assurance maladie qui seront recrutées pour cette tâche. Le ministre de la Santé olivier Véran a expliqué qu'il s'agirait de « brigades d'anges gardiens, parce qu'elles vont venir au contact des malades et des personnes potentiellement malades, pour assurer leur propre protection. » Bien sûr, comme les drones sans doute, puisqu'on nous dit que tout ça est pour notre bien !

Voyons en détail comment on va tenter de retracer le chemin de l'infection. Au début, un patient va voir son médecin traitant parce qu'il pense qu'il a le covid-19 (ou autre chose), et le médecin a de bonnnes raisons de penser que c'est le cas... C'est lui qui va être le premier maillon du dispositif : avant d'envoyer son patient se faire dépister, il va l'interroger pour lui demander avec quelles personnes il a été en contact. Et le médecin devra enregistrer dans la base de donnée de l'Assurance maladie le nom et l'adresse du patient, et lorsqu'il les connaît les noms et coordonnées des personnes qu'il a rencontrées. Il sera rémunéré pour cela, au tarif de 55€ pour le patient enregistré avec ses coordonnées et celles de sa famille, et 2€ supplémentaires pour chaque « cas contact », portés à 4€ si ses coordonnées sont aussi renseignées.

Cela, c'est ce que voulait le gouvernement... Mais il y a heureusement beaucoup de médecins qui ont clairement dit qu'ils ne trahiraient pas ainsi la confiance de leurs patients. On peut avoir ces opinions dans un reportage de TF1.

Les médecins généralistes mobilisés - 55€ signalement d'un patient atteint du covid - +2€ nom, pr&eaucte;nom et date de naissance - +4€ contact et numéro de sécu

À voir aussi une autre réaction d'un médecin complètement révolté par ce qu'on leur demande de faire. Le Conseil constitutionnel s'est finalement déclaré défavorable à cet appel aux médecins à trahir la confiance de leurs patients aussi bien que le secret médical, et cette mesure n'a donc pas été adoptée.

Ça sera donc aux brigades de trouver et d'aller rencontrer tous les « cas contact » pour les faire dépister à leur tour, et s'ils sont positifs chercher à savoir encore qui ils ont rencontré les jours précédents, et recommencer.

Tout cela se fera, nous assure-t-on, sans aucune contrainte, les « anges gardiens » diront simplement à tous ces gens qu'ils ont la possibilité de se faire tester, et s'ils le veulent bien d'indiquer les noms et adresses de leurs amis, collègues de travail et autres personnes qu'ils ont croisés les jours précédents, pour le bien de tous.

Tout ça est donc très gentil, c'est comme pendant le confinement où on se signait soi-même une autorisation de sortie, sans bien sûr qu'il n'y ait aucune mesure répressive... C'est comme cela qu'on va arriver à avoir la même efficacité dans la régression de l'épidémie qu'avec le confinement, mais sans lui... Parce que c'est bien le but, et le rapport de l'Inserm qui a largement inspiré les plans du gouvernement précise qu'il faut pour que la mesure soit efficace qu'elle permette d'identifier 75% des nouveaux cas de contamination... On peut difficilement penser que cela puisse être atteint sans faire preuve d'un peu de persuasion, et du reste sans cela on ne voit pas pourquoi l'état d'urgence aurait été prolongé jusqu'au 10 juillet ! On peut lire dans les prérogatives que permet la loi sur cet état d'urgence : « Mise en quarantaine ou à l'isolement des personnes infectées » pendant une période ne pouvant pas dépasser un mois (quand même !), et aussi « limitation des libertés individuelles », et « un système d'information permettant d'identifier le plus rapidement possible les personnes ayant été infectées (traçage des contacts) ».

Donc, il est évident aussi que nos brigades angéliques ne devront pas s'arrêter aux seules personnes que chaque patient voudra bien mentionner, mais devront trouver d'autres moyens de repérer un grand nombre de « cas contacts » susceptibles d'avoir été contaminés.

On parle beaucoup de pistage avec des procédés numériques : par les téléphones, par la fameuse appli « stop-covid » qui finira par arriver, voire par la reconnaissance des visages permise par les drones équipés de caméras haute résolution (la Ligue des droits de l'homme vient d'attaquer la préfecture de Paris pour l'usage illégal de ces drones, et a gagné). Mait tout ça n'est quand même pas simple à faire accepter.

Une autre possibilité sera de rechercher les lieux dans lesquels la personne est susceptible d'avoir rencontré des gens. À ce titre, les associations en général seront sûrement très sollicitées. Je pense qu'il faut qu'elles s'attendent à voir débarquer régulièrement les petits anges venus demander qui était présent tel jour à telle heure, et qu'elles s'y préparent pour savoir quelle attitude elles devront adopter... et aussi qu'elles le disent clairement à leurs adhérents ou sympathisants qui leur rendent régulièrement visite. Je ne juge pas leur décision, je leur demande juste de dire clairement ce qu'elles feront dans un tel cas.

Merci donc de diffuser ce texte dans les associations que vous connaissez, ça pourra leur éviter de mauvaises surprises.

Et puis il est possible aussi que des associations un peu naïves se laissent piéger dans des dispositifs apparemment alléchants qui aideront ces brigades. Je crois malheureusement que c'est ce qui est arrivé à la Fédération des usagers de la bicyclette, la grande fédération qui s'occupe avec beaucoup d'efficacité de la promotion du vélo urbain, et à sa suite le réseau de l'Heureux Cyclage, une fédération d'ateliers associatifs d'aide à la réparation et au recyclage de vélos. Deux fédérations que je connais bien, pour être depuis une quinzaine d'années militant très actif du vélo et bénévole dans plusieurs de ces ateliers successifs, maintenant Vélo Sapiens.

Donc, comme tout le monde je me suis réjoui en apprenant (c'était une surprise pour la plupart des associations membres de la FUB ou de l'HC) que le gouvernement lançait pour le déconfinement un grand plan de soutien à l'usage du vélo, considéré comme un moyen de transport idéal pour limiter la propagation de l'épidémie en limitant l'usage des transports en commun. Au total 20 millions d'euros sont consacrées à la promotion du vélo, et parmi ces mesures il y a le « chèque réparation de 50€ » destiné à la réparation d'un vélo, que ce soit par un professionnel ou par une association, à condition qu'il ne s'agisse pas d'une réparation à vocation sportive.

Youpi ! En plus ça allait permettre de renflouer les caisses de ces ateliers qui ont été comme bien d'autres structures gravement touchés par le confinement.

Et puis, les renseignements sont venus sur la procédure à respecter.

On y trouve que le client doit donner et faire vérifier son numéro de téléphone portable, en plus de sa carte d'identité, et que toute la transaction est gérée par une « web app » qui nécessite la géolocalisation... Tout ça incite déjà à la méfiance...

J'ai eu la curiosité d'aller voir à qui appartenait le site « coupdepoucevelo.fr »... Ça n'est pas à la Fub, mais à la start-up Safe Thing, renommée depuis O°code puis Rozo, spécialisée dans le traçage des objets... En fait, c'est la Fub qui l'a choisie parce qu'elle a aussi travaillé avec elle sur un projet de coursiers à vélo, le système étant utilisé pour vérifier que le coursier utilise vraiment son vélo et pas un scooter ou autre moyen de tansport. Ça peut être utile dans un cadre professionnel, mais il faut être prudent pour l'utilisation de ce genre de technologies avec le public, surtout en ces temps de volonté affichée de pistage.

Il y a eu un article sur l'utilisation de cette technologie dans le cadre du « coup de pouce au vélo » sur l'Usine digitale.

Ce qu'on peut y lire notamment :

Sur la plateforme gouvernementale, lancée ce lundi 4 mai pour les professionnels, chaque remise en état de vélo sera tracée, horodatée et indexée. Ce registre digital doit être, de part la technologie d'O°code, collaboratif, décentralisé et inviolable.

Pourquoi donc horodater et tracer (je suppose qu'il s'agit juste d'enregistrer les coordonnées géographiques) la réparation d'un vélo ?

Mais le pire se trouve dans la « charte » que le réparateur doit signer (je m'étais emballé dans la première version de ce texte en pensant que le client la signait aussi, elle ne s'adresse qu'au réparateur).

D'abord, voilà ce que doivent respecter les réparateurs acceptant d'entrer dans ce dispositif :
Dans le cadre de l'accueil du public dans vos magasins ou locaux je m'engage à respecter les gestes barrières préconisés par le gouvernement et limiter l'affluence en privilégiant la prise de rendez-vous préalable pour toute réparation.

Les gestes barrières doivent être respectés par l'ensemble des professionnels ainsi que par les clients :

—    Lavez-vous les mains régulièrement ;
            o   Vous pouvez prévoir à l'entrée un distributeur de gel hydroalcoolique
—    Toussez ou éternuez dans votre coude ;
            o   Vous pouvez demander le port du masque grand public
—    Utilisez un mouchoir à usage unique et jetez-le ;
—    Respectez la distanciation sociale : minimum 1 mètre entre chaque client ;
            o   Vous pouvez limiter le nombre de personnes dans votre magasin et organiser le flux avec la prise de rendez-vous

Je peux afficher les gestes barrières et les dispositions spécifiques prises pour limiter l'affluence et les risques pour vous et vos clients.
Il n'y a rien de très contraignant là-dedans, mais je trouve personnellement inacceptable que le gouvernement conditionne l'aide à l'acceptation inconditionnelle et au martèlement de ses mesures de lutte contre le coronavirus. Et je doute personnellement que la plupart des ateliers associatifs, qui autant que possible apprennent à leurs adhérents à réparer leurs vélos eux-mêmes, puissent vraiment respecter ces mesures, et seront donc soit de mauvaise foi soit forcés à refuser de participer au programme. Et ceux qui refuseront, outre qu'ils se priveront d'une importante manne financière, passeront pour les mauvais élèves !

Le réparateur devra aussi obligatoirement afficher un autocollant officiel du programme, qui n'est pas encore défini mais je mettais ma main à couper qu'il s'agira encore de dire que l'on se conforme strictement aux mesures d'hygiène et de distanciation.

Et le client devra donner son numéro de téléphone portable, sous prétexte de recevoir un SMS de confirmation. Je précise que j'avais cru en lisant hâtivement la charte que le client s'engageait aussi à ce que son smartphone soit équipé de géolocalisation, mais il s'agit uniquement du réparateur.

On nous dit que tout ça a pour but de lutter contre la fraude... Quelle fraude ? Les clients peuvent amener autant de vélos qu'ils veulent à réparer, alors c'est pour empêcher quoi ? Qu'ils amènent plusieurs fois le même vélo en quelques mois ? C'est fou ce que ça doit représenter comme volume de fraude !

On n'a pas fait tout ça pour les primes à l'achat de vélos électriques, alors pourquoi le faire maintenant pour les réparations ? Et surtout juste maintenant.

Et puis on incite fortement le client à s'enregistrer lui-même sur une web-app avant de se rendre chez le réparateur. Du reste, dans le réseau de l'heureux-cyclage, étant donné la lourdeur de toutes ces démarches, on conseille aux ateliers d'inciter leurs adhérents à le faire avant de venir réparer leur vélo, voire de rendre la procédure obligatoire.

Donc si on résume, le gouvernement veut avec cette mesure pousser un maximum de Français à sortir leurs vieux vélos de leur cave pour le réparer gratuitement, parce que c'est le mode de transport qui va être valorisé pour les déplacements pour limiter la progression de la terrible maladie qui fait 0,3% de morts, et tous ceux qui voudront profiter de cette mesure devront donner le numéro de leur téléphone personnel, seront fortement poussés à enregistrer diverses informations personnelles sur une web-app, et la réparation sera horodatée et géolocalisée. Autant dire que tout organisme ayant accès à ces données pourra savoir que la personne concernée sera allée à telle heure dans un atelier traditionnellement assez fréquenté, et y aura rencontré telles autres personnes. On ne peut que constater que c'est précisément le genre d'informations dont les brigades sanitaires auront besoin...

Et tout ça arrive le 11 mai, précisément quand le gouvernement entame sa procédure de pistage des contaminés, et la Fub voudrait faire croire que ça n'est qu'une coïncidence !

Bref j'ai l'impression que la Fub s'est fait manipuler dans cette histoire, et qu'il serait temps qu'elle s'en rende compte.

Ce qui me déçoit fortement, c'est que j'ai fait part de mes doutes sur la liste de la Fub aussi bien que sur celle de l'Heureux-cyclage, en demandant surtout si on pouvait avoir l'assurance que toutes ces données ne seront pas utilisées pour le pistage du covid-19, et je n'ai obtenu aucune réponse. En fait, personne n'a eu aucune réaction, tout le monde est aux anges (gardiens ?) parce qu'on leur donne cette manne financière, et que le gouvernement se rend enfin compte de l'intérêt du vélo, il sont tous prêts à collaborer sans se poser aucune question ! Pour moi qui ai participé à une bonne dizaine d'assemblées générales de la Fub, qui étais à la réunion de création de l'Heureux-cyclage en 2008, je suis effaré par les réactions, ou plutôt l'absence de réactions, que peut provoquer la campagne de peur menée par le gouvernement (Ajout de dernière minute, je viens de voir en lisant mes mails qu'il y a quand même un animateur d'atelier, Yannick du P'tit vélo à Grenoble, qui se pose quelques questions)...

La Fub a simplement répondu à ce sujet qu'elle respectait la vie privée (RGPD)... Je n'ai jamais douté de la Fub à ce sujet, mais à mon avis le fait de respecter les RGPD n'est pas vraiment une garantie de l'usage qui peut être fait des données récoltées par le gouvernement en période d'état d'urgence, alors que 63 députés ont déposé un recours au Conseil constitutionnel en estimant que la loi d'état d'urgence viole le respect à la vie privée !

Depuis, la « politique de confidentialité » de la société Rozo concernant le « coup de pouce vélo » a été publiée, on y trouve qui aura accès aux données personnelles de la personne qui aura amené son vélo à réparer, entre autres :

Les fournisseurs d'hébergement, la société Amazon Web Services, l'Institut de sondage Opinion way, le Pôle national des certificats d'économies d'énergie (PNCEE, organisme national de contrôle), et « s'il y a lieu, les juridictions concernées ». Autant dire qu'il n'y a pas de doute que les brigades sanitaires auront accès à ces informations si elles en ont l'utilité.

Et encore une fois les mesures du gouvernement auront surtout servi à créer la discorde.

J'espère en tout cas que cette histoire incitera d'autres associations à la méfiance.

Pour info, j'ai créé cette affiche le 17 avril, et j'ai de plus en plus peur :

Je n'ai pas peur d'un virus qui fait 0,3% de morts, mais j'ai très peur des moyens envisagés pour l'éliminer

Robert Alessandri



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Ce texte a été lu fois depuis le 07/05/2020