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Le rapport de l'Inserm

(27/04/2020)



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Les chiffres de mentent jamais, mais il arrive que les menteurs chiffrent.


C'est le 12 avril que l'Inserm a publié son « rapport n°9 » sur « l'impact attendu du confinement en Île-de-France et les stratégies possibles de sortie » (en anglais).

On peut le trouver sur Internet, examinons-le de plus près qu'en se contentant de résumés de journalistes peu au fait des subtilités statistiques.

C'est manifestement sur ce rapport que s'est appuyé le gouvernement pour sa stratégie de « sortie de crise ». Il ne cache d'ailleurs pas que c'était son but :

Plus de la moitié de la population mondiale est actuellement soumise à des formes strictes de distanciation sociale, avec plus de 90 pays en confinement, y compris la France. Estimer l'impact attendu du confinement, et l'efficacité potentielle des différentes stratégies de sortie sont essentiels pour informer les preneurs de décisions dans le management de la crise sanitaire du Covid-19.

Alors que la France fait face à la première vague de la pandémie du covid-19 en confinement, des formes intensives de distanciation sociale seront nécessaires dans les mois à venir en raison de l'immunité de la population actuellement faible. Une recherche approfondie des cas et leur isolation permettraient de se libérer partiellement de la pression socio-économique causée par des mesures extrêmes, tout en évitant de dépasser les capacités de nos services de santé. La planification de la réponse doit de toute urgence donner la priorité à la logistique et à la capacité de ces interventions.


Il indique aussi qu'il s'agit de prendre l'exemple de la Chine :

La mise en œuvre de mesures extrêmes de distanciation sociale, y compris des restrictions de mobilité, l'interdiction les rassemblements de masse, la fermeture des écoles et des activités professionnelles, l'isolement et la quarantaine, ont permis de contrôler la première vague de la pandémie de COVID-19 en Chine. Cette couverture exceptionnelle et ce degré d'intervention intensif couplés à une application stricte peut être la clé du résultat. Comment cela se passera en Europe est encore incertain. Plus important encore, comment assouplir des contraintes aussi strictes sur la vie sociale et l'économie alors que la maîtrise de la crise sanitaire reste à l'étude.

Ce rapport explique et montre avec moult graphiques à l'appui que si on cessait totalement les mesures de distanciation sociale on s'exposerait à une seconde vague de l'épidémie qui dépasserait d'un facteur quarante les capacités des services médicaux. Mais voyons un peu sur quels chiffres s'appuient ces conclusions alarmistes.

On nous indique d'abord que le taux de reproduction de base du virus (le nombre moyen de personnes à qui chaque porteur du virus le transmet, en l'absence de toute mesure de distanciation sociale) est estimé compris entre 2,8 et 3,2, avec un intervalle de confiance de 95%... C'était bien le chiffre généralement accepté à ce moment... Les connaissances pouvant évoluer très vite, il y a eu depuis quelques études qui tendent à montrer que ce taux serait plutôt égal à six. Ce nombre influe surtout sur la rapidité de la progression de l'épidémie, il est important puisque s'il est doublé le « pic » de l'épidémie va être deux fois plus resserré et il y aura donc deux fois plus de personnes contaminées en même temps... Mais par contre le fait qu'il soit doublé indique aussi que la progression du nombre de contaminés a été plus rapide qu'on le pensait d'après les seuls cas déclarés, et qu'il y a donc nettement plus de personnes contaminées qu'on pouvait le penser... Et cela, ça diminue le pourcentage de morts causés par la maladie, le taux de létalité de l'épidémie, et aussi celui de cas nécessitant une réanimation...

Et le second chiffre clé, c'est justement le taux de population déjà contaminée ou immunisée, estimé par le rapport entre 1 et 6% pour la date du 5 avril. Mais là on ne nous parle pas d'intervalle de confiance, on ne cite aucune source à cette affirmation... Pour la bonne raison que l'intervalle de confiance serait... nul ! Il n'y avait pas la moindre chance que le nombre de personnes contaminées soit compris entre ces valeurs, il était tout à fait certain que c'était nettement plus que les 6% correspondant au maximum, surtout en Région parisienne qui est une des plus touchées.

Rappelons d'ailleurs que le président du Conseil scientifique covid-19 avait lui-même indiqué le 8 avril (six jours avant la publication de ce rapport), d'après des tests sérologiques effectués dans l'Oise et le Grand-Est, que le taux de contamination de la population en France était compris entre 10 et 15%.

Quant au rapport de l'Imperial college paru le 30 mars, qui était alors la principale référence, il indiquait pour la France et pour le 28 mars, une semaine donc avant la date de référence de celui de l'Inserm et alors que l'épidémie était encore loin de son pic, un taux de contamination compris entre 1,1 et 7,4% (en indiquant un intervalle de confiance de 95%, et le taux réel devait bien être compris dans cette fourchette mais plutôt dans la partie haute).

Il était donc tout à fait impossible d'imaginer que le taux de personnes contaminés ait été inférieur à 8%, et il était sans doute plus proche de 12%, le double de la valeur maximale indiquée par l'Inserm !

Et ce taux de contamination est de loin le chiffre le plus important dans l'évaluation que fait ensuite l'Inserm, pour deux raisons.

— La première, c'est qu'on sait parfaitement combien de patients ont été admis en réanimation, et donc si on fait varier le nombre de patients ayant été contaminés on fait varier dans la proportion inverse le pourcentage de malades ayant besoin d'aller en réanimation. S'il y a 12% de personnes ayant contracté le virus ça veut dire que 0,25% des personnes atteintes vont en réanimation, alors que s'il y en a 3% ça veut dire qu'il y en a 1% qui vont en réanimation, et donc bien évidemment les services de réanimation seront quatre fois plus submergés avant la fin de l'épidémie !

— Et la seconde raison, c'est qu'il faut atteindre un taux de 60 ou 70% de la population ayant contracté le virus, et donc immunisée, pour que ce dernier disparaisse, mais bien sûr le pic de l'épidémie se situe bien avant, à moins de 40% de personnes atteintes, et la courbe s'infléchit encore nettement avant, à partir de 30%. Et il est tout aussi évident qu'on atteindra plus facilement ces 30% si on part de 12% que si on part de 3% !

Bref ce rapport est une véritable fumisterie, et ses conclusions sont bonnes à jeter à la poubelle. Il s'agissait manifestement de choisir des chiffres totalement fantaisistes qui n'ont d'autre but que d'aller vers la conclusion désirée !

Et donc, après tout un tas de savantes courbes et tableaux qui s'appuient sur ces chiffres fantaisistes, on peut lire les conclusions :

Pour contrôler l'épidémie sans déborder le système de santé, il faut associer des mesures de distanciation sociale à des tests agressifs afin d'identifier rapidement les individus contagieux et de les isoler. La capacité de réaction est essentielle pour lever le confinement, de sorte que le calendrier de ces interventions doit être soigneusement planifié en fonction du degré de préparation atteint. Nous envisageons différents niveaux de capacité de dépistage à partir du mois de mai ou de juin. Si l'isolement des cas est effectué en moyenne 1,5 jour après l'infection et qu'il est efficace (réduction de 90% des contacts), nous constatons qu'il faudrait identifier au moins 75% de tous les nouveaux cas pour réduire rapidement la charge pesant sur le système de santé au cours du mois de mai, pendant que des interventions intensives sont mises en place. Une capacité de dépistage plus faible ou des interventions moins intensives dès le mois de mai prendraient plusieurs mois avant que le nombre de patients en soins intensifs en Île-de-France ne passe sous la barre des 1 000. Dans ces conditions, un confinement plus long jusqu'en juin permettrait de relâcher la pression sur le système de santé pendant que les capacités seront renforcées. De plus, il serait idéal de procéder à la recherche des contacts et à des tests pendant le confinement ou avec des interventions strictes en place. Le bénéfice de ces mesures irait au-delà de l'atténuation de l'épidémie et s'étendrait à la révision et à l'optimisation des protocoles afin d'améliorer la recherche des cas et l'isolement — par rapport à la première phase de l'épidémie — dans des conditions plus contrôlées (réduction du mélange de la population).

La recherche rapide, efficace et à grande échelle des contacts est un élément essentiel permettant de se libérer partiellement des contraintes de distanciation sociale dans les mois à venir. Cela nécessiterait des technologies numériques qui sont actuellement étudiées en Europe à l'instar de la réponse des pays d'Asie à la COVID-19. Les contraintes logistiques doivent être envisagées, notamment la capacité de diagnostic rapide et à grande échelle, l'adoption à grande échelle de la technologie de recherche des contacts par la population, l'adoption des recommandations et la coordination entre les pays pour permettre la recherche des contacts par-delà les frontières. L'efficacité de la mesure pourrait être améliorée en planifiant l'isolement des cas dans des conditions susceptibles de réduire encore leurs contacts avec d'autres personnes, par exemple dans des chambres d'hôtel individuelles. La transmission se produisant rapidement et avant l'apparition éventuelle des symptômes, il est également crucial de retarder l'intervention.

Donc, ce rapport indique que pour que la mesure soit efficace il faut identifier 75% de tous les nouveaux cas... Et puisque pour l'instant c'est environ un pour cent, même si l'Inserm n'a pas l'air de l'avoir compris, c'est dire qu'il faudra déployer une stratégie de pistage que même la Corée du Sud ne pourrait pas appliquer !

Et il nous montre ensuite différentes stratégies de sortie exigeant d'appliquer de telles mesures pendant plus d'un an !

Robert Alessandri



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